2 ans auparavant, Ruth & Tim

Tim se réveilla en sursaut et mit deux secondes entières à comprendre la nature du bruit qui l'avait éveillé : Ruth était malade, il l'entendait vomir dans les toilettes.

Il était cinq heures trente. Elle se cacha longtemps dans la salle de bain et en ressortit très pâle. Sans rien dire, elle vint se glisser contre lui entre les draps. Elle s'était lavé les dents et avait mis une chemise de nuit propre. Elle était glacée, il la serra dans ses bras pour la réchauffer. Elle se rendormit. Il n'y parvint pas. Depuis quelques semaines, elle ne mangeait plus rien. Elle avait perdu beaucoup de poids et elle dormait de plus en plus, se plaignant sans cesse qu'elle était fatiguée. C'était la troisième fois en une semaine qu'elle était malade ainsi. Le généraliste n'y comprenait rien. Il fallait consulter à l'hôpital. Ruth avait rendez-vous le matin même.

Tim avait un mauvais pressentiment. En fait, il avait très peur. C'était comme s'il sentait la mort qui rodait. Il pensa à tous ces gens qu'il avait connu, qui étaient tombés malades et qui étaient morts. Il y avait le cancer et toutes les variantes, les métastases. Il y avait les virus et les prions, toutes les saloperies qui vous attendaient au coin de la vie. Ils n'étaient plus tous jeunes mais, Schwartz ! Ils n'étaient pas si vieux que cela quand même. Tous ces salauds qui faisaient tuer des gens et qui vivaient en bonne santé jusqu'à cent ans. Et Ruth qui en avait tant bavé, qui se battait tous les jours pour faire face... Pas Ruth ! Non, pas elle ! Ce n'était pas juste ! Non, vraiment pas juste ! Il se mit à pleurer en silence. Il pleura en continuant à la serrer, pas trop fort pour ne pas la réveiller, et lui qui n'avait été à l'église que pour faire plaisir à Ruth... Il se mit à prier en serrant les dents, à prier dans sa tête avec ferveur : Vous qui êtes au ciel, je ne suis pas sûr que vous soyez là, ni que vous en ayez quelque chose à foutre, et en plus je ne connais pas les formules, je n'y ai jamais cru et j'ai toujours ignoré vos églises et tout le bataclan, mais si vous êtes au ciel, si vous existez, si vous m'entendez, je vous en supplie, faites que ce ne soit rien du tout, faites-le, je vous en supplie, je donnerais ma vie s'il ne faut, je vous le jure, ma vie en échange sans la moindre hésitation, mais faites que ce ne soit rien du tout.